Observatoire de l’immobilier

Le covid a-t-il définitivement changé notre façon de travailler ?

Paris Ouest la Défense (POLD) est un territoire dynamique qui compte plus d’un demi-million d’habitants et autant de salariés travaillant sur 21 600 implantations, principalement des activités de bureaux. Même si la Défense constitue le marqueur économique le plus important de POLD, 85% des entreprises sont des PME, TPE et des commerces. Il existe 9,3 millions de m2 de surface de bureaux dont les 2/3 sont situés en dehors du premier quartier d’affaires d’Europe. Pour répondre aux enjeux du projet de territoire, mettre en place des outils d’aide à la décision est devenu nécessaire. C’est d’ailleurs la stratégie globale déployée par la présidente de Paris Ouest la Défense et maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi Raynaud : le territoire doit désormais évoluer pour faire face aux mutations du secteur immobilier et aux changements d’usages du monde du travail, provoqués par la crise sanitaire de 2020. Pour préserver un équilibre entre activités économiques et vie des habitants, Patrick Ollier, vice-président au développement économique, et ses homologues ont ainsi décidé de créer un Observatoire Territorial et Stratégique de l’Immobilier (OTSI). Objectif : développer un outil de suivi des données immobilières et d’orientation des politiques publiques afin d’observer à court, moyen et long terme les évolutions du secteur et les impacts sur les implantations du territoire.

Un contexte particulier

S’intéresser aux données autour de l’immobilier pour tenter d’analyser le marché et prévoir ses évolutions est un axe stratégique pour un territoire. C’est pourquoi les élus ont souhaité créer un outil d’aide à la décision. « Il y a trois ans et demi, nous avons commencé à voir émerger des incubateurs, des lieux susceptibles d’accueillir des entrepreneurs, des espaces de coworking… Beaucoup de nouveaux acteurs avec des modèles économiques immobiliers différents », explique Arnaud Ménard, d’Impulse Partners qui accompagne POLD dans sa politique d’innovation. Les remontées du terrain ne permettent pas toujours aux services des villes d’appréhender les mouvements et les tendances qui vont s’opérer sur du moyen et long terme.  « Comment passe-t-on de surfaces importantes avec des baux classiques (trois, six, neuf ans) à du coworking avec l’installation de petites structures ou des grandes entreprises pouvant être localisées/délocalisées ? Les enjeux sont importants : avec le coworking, la présence des entreprises peut être éphémère. Cela change leur rapport au territoire et aux élus : on ne parle plus d’installation officielle avec location, bail ou acquisition d’un siège, l’usage devient intermédiaire » précise Arnaud Ménard.

 

Les véritables chamboulements sont arrivés avec le Covid : confinement de plusieurs mois, fermeture des établissements « non essentiels », arrêt complet de la Défense… La pandémie a donc accéléré ce projet d’Observatoire comme l’indique Nathalie Jacquart, directrice du développement économique et coordinatrice de projets à POLD : « Le télétravail a modifié les usages et l’occupation des espaces de travail avec la décision de grands comptes de réduire leurs surfaces ». Dès lors, les municipalités ont commencé à se poser de nombreuses questions : « Peut-on transformer ces surfaces en logements ? Doit-on appuyer auprès des propriétaires pour réduire ces espaces en les destinant à des TPE, PME ? Doit-on toujours proposer la même offre de services pour calibrer à l’arrivée d’un grand compte un bâtiment totalement à son usage ?». 

Il est à l’époque impossible d’apporter des réponses claires faute de savoir comment l’épidémie va évoluer et quelles en seront les conséquences pour le monde du travail. « Certains disaient : ‘le bureau, c’est terminé, on n’en aura plus jamais’, quand d’autres déclaraient ‘ne vous inquiétez pas, dans deux mois tout le monde reviendra au bureau, ce n’est qu’un effet conjoncturel’… Collectivement, on sentait quand même que ce n’était pas juste une secousse », précise Arnaud Ménard. L’idée s’est donc imposée de développer un outil pour appréhender les nouveaux modes de travail et essayer d’analyser ces changements afin d’aider à orienter les politiques publiques en matière d’immobilier pour les dix prochaines années.

Une préparation en amont pour adapter l’outil aux besoins des utilisateurs

Pour adapter l’outil aux usages des services des villes, des ateliers ont été menés en amont. Cela a permis d’entendre des dizaines d’acteurs concernés, comme le détaille Arnaud Ménard : « On a fait intervenir des acteurs comme l’Association des directions immobilières qui est venue partager le constat des directions immobilières des entreprises, dont un élément clé : la recherche d’optimisation de 30 à 40 % des surfaces prises à bail ou gérées. Potentiellement, le risque de réduction des surfaces de bureaux nécessaires est donc colossal ». D’autres entrevues ont fait participer des élus chargés de l’urbanisme, des entreprises privées, des utilisateurs… La parole a également été donnée aux acteurs qui se positionnent sur les nouveaux usages autour du travail comme WOJO, un espace de location de bureau et coworking ; Rayon, une structure portée par la Banque des territoires qui développe du télétravail de proximité ; Colonies, une entreprise de coliving…

Un 3e atelier a réuni les brokers.

 

Après ces premiers échanges, une seconde série de rendez-vous avec de futurs utilisateurs des services municipaux a permis de préciser leurs besoins. Parmi les enjeux les plus cités : la maîtrise de la densité, la connaissance des entreprises prévoyant de quitter le territoire et comment évaluer ce risque, quelle vétusté pour le parc, l’obligation de continuer à délivrer ou non des permis de construire avec une partie du parc vacant…

Un outil complet et innovant

Cette préparation a permis d’établir un cahier des charges précis pour l’Observatoire. Un outil novateur capable de fournir des données au plus près des préoccupations des villes, prenant en compte leurs spécificités ainsi que les enjeux pour les différents acteurs et les changements structurels du monde du travail. Une première version devrait être disponible cette année, explique Arnaud Ménard. « Avec L’Observatoire stratégique territorial immobilier, l’EPT POLD et ses villes membres auront accès à des données très factualisées et simples à lire sur les niveaux de loyers, les prix de vente ou le taux de vacance. Mais aussi des données plus statiques, pour les comparer avec celles issues de territoires voisins… ».

 

Enfin, le dernier volet sera plus stratégique. Il vise à analyser les grandes tendances sur plusieurs années et décrypter de fait les orientations à donner en matière de politique publique. « On ne cherche pas à avoir l’entièreté de l’information, ce n’est pas l’objet, on a simplement besoin des données pertinentes pour faire de la veille. Mais il faudra trois ou quatre ans avant de pouvoir mesurer les premières tendances », selon Nathalie Jacquart.  « L’idée est de s’outiller pour ne pas être un simple spectateur des changements et des adaptations au risque de réagir trop tard », complète Arnaud Ménard. Par la suite, cet outil d’aide à la décision des élus pourrait même être relié à un autre actuellement développé à travers l’Observatoire de la mobilité. Pour Nathalie Jacquart, « ces deux outils se placent dans une dynamique d’innovation pour comprendre les dynamiques du territoire en termes d’attractivité et de qualité de cadre de vie, deux enjeux majeurs pour le territoire ».